Victor GIRARD
photographe à Nantes en 1900

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Quatrième volet de la série de 5 articles "Victor Girard, photographe reporter, a arpenté la ville dans les années 1900" parue dans le quotidien Ouest-France (2002-2003)

Nantes avant les comblements, vue du haut du pont transbordeur : le vaisseau de l'île Feydeau et l'île Gloriette, embrassés par la Loire.
L'une des rares photos prises sur le tablier du pont transbordeur, quelque temps après son inauguration en novembre 1903.

Victor Girard, photographe reporter, a arpenté la ville dans les années 1900

4) Nantes, ville-archipel

François Quennec est le petit-fils de Victor Girard, reporter photographe au journal Le Phare à Nantes de 1893 à 1913 (lire Ouest-France du 21 novembre dernier). Il a conservé plusieurs dizaines de clichés de son grand-père dont nous publions une série en cette fin d'année. Aujourd'hui, quatrième volet du « reportage », consacré à la silhouette de Nantes l'insulaire, la ville archipel d'avant les comblements.

Nantes, ville-archipel. Nantes avant les comblements, quand les îles divisaient les eaux de la Loire. Du haut du pont transbordeur, on attrape cette vue panoramique prise au tout début du XXe siècle. Au centre, l'île Gloriette lovée dans les bras du fleuve, la Madeleine à droite, le bras de l'Hôpital à gauche. Plus en retrait, l'île Feydeau, « lourd vaisseau de pierres retenu à la ville par la ligne effilée des ponts, chaîne dont les anneaux à demi immergés sont des arches délicates »[1]. A la proue du vaisseau, le marché métallique de la Petite-Hollande, baptisé ainsi en souvenir des péniches hollandaises qui accostaient jadis. Un marché édifié en 1869 par l'ingénieur Lechalas et démoli en 1932. A la poupe, ici invisible, l'île résonnait des joutes vocales des crieurs de la Poissonnerie. A droite de la photo, enfin, un trois-mâts barque aligné au quai Crouan. Nous sommes au tout début des années 1900, la grande époque de la construction de séries de cap-horniers touche à sa fin.

Ville amphibie

Nantes, ville amphibie servie par une seule ligne de ponts, s'offrait à l'époque le surnom de « Venise de l'Ouest ». Elle comptait pas moins de 28 ponts enjambant les divers bras de la Loire, de l'Erdre et de la Sèvre nantaise.

L'un de ces ponts portait bien son nom : le pont Maudit, construit en 1843 pour relier la pointe ouest de l'île Feydeau à la rive sud du bras de l'Hôpital, sur l'île Gloriette. Le 16 juillet 1913, il s'écroule sous le regard des Nantais. Un pont provisoire, le pont Henry, est reconstruit la même année par le génie militaire. Victor Girard assiste jour après jour aux étapes de la construction et réalise un reportage inédit d'une quarantaine de photos. Et l'homme perché au-dessus de la ville, sur le tablier du pont transbordeur, que voit-il derrière ses jumelles ? Il voit Nantes la ville grise, enveloppée de « ce filet aux mailles légères » qui lui donne, dans le regard de Jules Grandjouan, « l'attrait indéfinissable d'un visage voilé ». Le pont transbordeur, cette grande araignée de fer inaugurée en 1903, est la fierté des Nantais. Elle est aussi, pour Julien Gracq[2], « la singularité matérielle du port de Nantes », « aussi inséparable du port qu'est la tour Eiffel de la perspective du Champ-de-Mars ».

Isabelle LABARRE (Ouest-France)

Le pont Maudit portait bien son nom. Construit en 1843 pour relier la pointe ouest de l'île Feydeau à la rive sud du bras de l'Hôpital, sur l'île Gloriette, il s'est écroulé le 16 juillet 1913.
^1) Nantes la grise, 1898, Jules Grandjouan, réédition en 1998 chez Coiffard.
^2) La forme d'une ville, José Corti, Paris, 1985
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