Victor GIRARD
photographe à Nantes en 1900

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Deuxième volet de la série de 5 articles "Victor Girard, photographe reporter, a arpenté la ville dans les années 1900" parue dans le quotidien Ouest-France (2002-2003)
De retour du front, des Poilus en capote défilent dans le centre-ville. Vraisemblablement entre 1916 et 1918.
Image insolite à la veille de la guerre 14-18 : un cirque allemand débarque dans le centre-ville. Le lendemain de la déclaration, tous les occupants de la caravane sont arrêtés... pour « espionnage ».
Essais de lancement de canons du côté du château des ducs, face à l'usine LU, devant un bras de la Loire aujourd'hui comblé, le bras Saint-Félix.

Victor Girard, photographe reporter, a arpenté la ville dans les années 1900

2) Nantes dans la guerre, ville cosmopolite

François Quennec, petit-fils de Victor Girard, reporter photographe au Phare entre 1893 et 1913, a conservé des dizaines de clichés réalisés dans les années 1900. Après les événements des Inventaires de 1903, voici le deuxième volet d'une série de cinq « reportages » que nous publions en cette fin d'année. La première Guerre mondiale est déclarée, des militaires s'entraînent, d'autres reviennent du front.

Que se racontent-ils, ces quatre mômes accoudés à la fenêtre de la mercerie, en regardant marcher les Poilus de retour du front ? L'image est émouvante tant les regards hagards des soldats tranchent avec la solennité du défilé. « II est difficile de dater précisément cette photo » explique Didier Guivarc'h, professeur d'histoire à la faculté de Rennes[1]. « La seule chose que l'on peut dire, c'est qu'on est déjà bien avancé dans la guerre. Les militaires ont des casques et des capotes alors qu'ils sont partis pendant l'été, en casquette et vêtus de simples vestes. » II ne s'agit donc pas non plus d'un défilé du 14 juillet mais vraisemblablement d'un retour du front, « entre 1916 et 1918 ». Sur le côté, entourés de notables à chapeau mou, des militaires territoriaux qui n'ont pas connu le front.

Ségrégation

Au dernier plan, des soldats de régiments étrangers. « Dès 1914, il y a une arrivée massive d'Anglais et de Russes. Ils sont logés dans les casernes, beaucoup à Rezé. » C'est d'ailleurs ce que l'on retiendra de la Grande guerre vécue par les Nantais : avec l'arrivée dans le port de beaucoup d'étrangers, celle d'une main d'œuvre coloniale d'Indochine ou d'Algérie, la grande ville de province devient cosmopolite. On ne peut pas parler pour autant de brassage. « La population reste à distance. A la fin de la guerre, ça se passe plutôt mal entre les Français et les Américains. La confrontation est aiguë entre, d'un côté, une société traditionnelle et de l'autre, une civilisation qui a déjà adopté un genre de vie moderne. » Nantes, tout ancienne capitale négrière qu'elle fut, se dira choquée par la ségrégation raciale pratiquée au sein même de l'armée américaine, constituée de régiments de Noirs et de régiments de Blancs. Des crises surviendront entre avril et juin 1917. « Des propos pacifistes ont été tenus dans les gares, au départ des trains de permissionnaires. Les Nantais trouveront des boucs émissaires dans la population étrangère. La xénophobie se développe. » Le débarquement des Américains en 1917 est d'ailleurs, rappelle Didier Guivarc'h, le résultat de fortes pressions de la municipalité nantaise pour promouvoir le port de Nantes. « L'armée américaine avait le choix entre plusieurs ports. Paul Bellamy a montré une nette volonté d'utiliser la guerre pour valoriser l'image de la ville. » Le maire de l'époque en profite aussi pour renforcer son pouvoir politique et social local. « On note une emprise importante des services municipaux et un encadrement de la population par une propagande intense. »

Isabelle LABARRE (Ouest-France)

^1) Auteur de « Moi, Marie Rocher, écolière en guerre », 1991, éditions Apogée et de « La construction de la mémoire d'une ville, Nantes 1914-1992, Presses universitaires du Septentrion, Lille, 1997 ».
L'un des rares clichés de soldats noirs américains pendant la Première Guerre mondiale.
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