Victor GIRARD
photographe à Nantes en 1900

Articles > 1903 : Une violente manifestation catholique
4/8
Premier volet de la série de 5 articles "Victor Girard, photographe reporter, a arpenté la ville dans les années 1900" parue dans le quotidien Ouest-France (2002-2003)
14 juin. La fête Dieu a été interdite par arrêté préfectoral. Les catholiques sont dans la rue, rejoints bientôt par des contre-manifestants républicains. Les affrontements font un mort et plusieurs blessés.
4 mai 1903. Le supérieur des Pères Prémontrés est convoqué au tribunal après avoir refusé d'obtempérer à l'arrêté d'expulsion de sa congrégation.

Victor Girard, photographe reporter, a arpenté la ville dans les années 1900

1) 1903 : Une violente manifestation catholique

Dans le grenier de François Quennec, au Pallet, sont précieusement archivées les photos d'un grand père reporter photographe entre 1893 et 1913 au journal le Phare, à Nantes. Nous publions une sélection des clichés de Victor Girard au cours d'une série de cinq itinéraires dans l'histoire de Nantes. Première étape en 1903 : plongée au cœur d'une manifestation qui préfigure les troubles qui ont accompagné les Inventaires de l'église catholique en 1906.

Une nuée de notables chapeautés commence à s'agglutiner aux grilles tandis qu'un prêtre, les pans de sa soutane en mouvement, monte les premières marches du Palais de justice. Nous sommes le 4 mai 1903. Les autorisations d'associations religieuses viennent d'être refusées. Plus tôt que partout ailleurs en France, Nantes s'échauffe sur la question de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Les tensions remontent même à 1873. « Depuis l'installation des républicains à la mairie, la ville est totalement divisée entre cléricaux et laïcs », explique Didier Guivarc'h, maître de conférence à la faculté d'histoire de Rennes et président de Nantes histoire. Nantes est la première ville de France à avoir développé un anticléricalisme municipal. « Très tôt, la bourgeoisie s'est séparée : les républicains d'un côté, les non-républicains de l'autre, l'élite municipale radicale contre les catholiques traditionalistes. »

Un mort et plusieurs blessés

Revenons aux faits. Expulsés au début du mois, les pères Prémontrés, ordre religieux installé dans le quartier Saint-Donatien, refusent d'obtempérer et sont convoqués au tribunal. Dans le même temps, le préfet prend un arrêté interdisant les processions de la fête Dieu (fête qui sera interdite à Nantes jusqu'en 1924). Le 14 juin, les catholiques sont dans la rue : hommes et femmes, notables, avocats en robe... « A 10 h du matin, les premiers affrontements ont lieu avec les contre-manifestants socialistes.

En fin de journée, les dragons interviennent pour disperser les manifestants. La population abandonne la rue Royale (actuelle rue du Roi-Albert) à un amas de barricades renversées et de mâts arrachés.
Une bagarre rue de Châteaudun fait un mort et plusieurs blessés » raconte l'historien Jean Guiffan. Des arrestations ont lieu au coin de la place Saint-Pierre et de la rue de Châteaudun. Dans la soirée, les manifestants sont refoulés de la préfecture par les dragons venus au secours de la gendarmerie débordée. La population se disperse, abandonnant la rue Royale (aujourd'hui rue du Roi-Albert) sous un amas de balustrades renversées et de mâts arrachés. La rue Royale devient un symbole pour les Nantais. L'Histoire confirmera : c'est là que le colonel allemand Holtz sera abattu en 1941. Là aussi que, plus tard, passeront les manifestations ouvrières. Celle de 1955 en tête, immortalisée par Jacques Demy dans « Une chambre en ville ».

Isabelle LABARRE (Ouest-France)

Javascript désactivé - Vous ne pouvez pas voir les commentaires
Voir les commentaires
HAUT